Le 24 avril dernier, vous avez officiellement présenté les Orientations Stratégiques 2028 de la Fondation FACE devant son Comité d’orientation. Pour quelle raison aviez-vous entamé cette démarche de réflexion stratégique ? Quelle a-été votre méthodologie pour définir ces nouvelles orientations ?
Depuis juillet 2022, la Fondation FACE a ouvert un nouveau chapitre de son histoire. Jean Castex est devenu président de FACE et avec beaucoup d’enthousiasme et de conviction, il a donné une impulsion décisive pour toute la communauté FACE. Dès sa prise de fonctions, il m’a confié l’ambitieuse tâche de dessiner un nouvel horizon pour le formidable potentiel que représente la communauté FACE.
Il était essentiel que FACE puisse se projeter dans l’avenir, anticiper les évolutions de la société pour remplir pleinement sa mission de fabrique de l’inclusion. Depuis 30 ans, FACE existe parce que ni les politiques publiques, ni l’action du secteur associatif ne suffisent à elles seules à résorber la pauvreté et les inégalités. Les études du CREDOC montrent que les vulnérabilités évoluent et progressent très rapidement. Le rôle de FACE est d’accompagner efficacement les nouveaux publics vulnérables partout sur le territoire ; notamment les jeunes issus de l’ASE, les NEETS, les décrocheurs, les travailleurs pauvres, les mères isolées… L’enjeu pour FACE est de continuer à aller chercher les publics les plus éloignés, et nous le faisons avec les entreprises, aux côtés des pouvoirs publics.
Nos orientations stratégiques tracent le chemin que nous voulons emprunter pour jouer pleinement ce rôle d’utilité sociale dans les années à venir. Elles portent notre vision, nos nouvelles ambitions, en faveur notamment d’un développement territorial complet et d’une transition écologique solidaire en faveur de l’inclusion.
Concrètement, nous avons mené un travail important de réflexion avec les équipes de la Fondation pour repenser notre rôle au sein de l’écosystème, clarifier nos domaines d’expertise, affirmer notre identité et nous projeter dans l’avenir. Nous avons eu la chance d’être accompagnés par le cabinet Vertone dans cette réflexion collective. Nous avons également souhaité faire de ce nouvel horizon commun un projet partagé avec toute notre communauté, au premier rang de laquelle les clubs FACE qui se sont mobilisés de façon très intense pour co-produire nos nouvelles orientations stratégiques. avant que qu’elles ne soient approuvées par notre conseil d’administration puis déclinées dans une feuille de route très concrète qui va nous guider jusqu’en 2028.
La mobilisation et l’accompagnement des entreprises dans leur politique RSE figurent parmi les grands enjeux que vous avez fixés à horizon 2028. Quel rôle les entreprises ont-elles à jouer dans l’inclusion des publics les plus vulnérables ?
Une des convictions fédératrices de notre communauté, c’est que l’emploi et l’insertion sont des chemins essentiels pour l’inclusion des personnes vulnérables. Par leur capacité à former, à sensibiliser, à intégrer et évidemment à recruter, les entreprises sont des leviers puissants de transformation sociale. Bien sûr, la puissance publique est la première responsable de la cohésion sociale. Mais les entreprises ont un rôle indéniable à jouer dans la lutte contre toutes les formes d’exclusions, de discriminations et de pauvreté.
Il faut noter à cet égard que les entreprises sont invitées à s’engager pour l’inclusion par leurs propres salariés. A ce titre, les résultats de l’enquête que FACE a réalisée avec Opinionway sont sans appel : pour 88% des salariés du secteur privé, les entreprises ont un rôle à jouer pour contribuer au développement de leur territoire, et 76% aimeraient que leur entreprise leur permette de travailler dans une structure aidant les publics vulnérables une demi-journée ou une journée par semaine ! Donc logiquement, en apportant du sens au travail, l’engagement des entreprises crée de la dynamique en leur sein et contribue à leur croissance.C’est précisément ce que nous faisons aux côtés des 6000 entreprises partenaires de FACE, qui engagent leurs salariés en mécénat de compétences dans nos projets, au contact des personnes que nous accompagnons.
S’engager avec FACE, c’est intégrer localement et nationalement un véritable écosystème des solidarités, où elles ont toute leur place aux côtés des acteurs publics et associatifs. Nous allons par ailleurs diversifier les entreprises présentes dans nos projets, augmenter leur nombre et renforcer leur place dans notre gouvernance. Les TPE-PME et entreprises de taille intermédiaires, quel que soit leur secteur d’activité, doivent pouvoir s’engager à nos côtés.
En ce mois d’avril 2024, nous avons ainsi installé une nouvelle instance dans la gouvernance de la Fondation : le comité d’orientation. Cet organe permettra aux dirigeants des grandes entreprises engagées à nos côtés de dialoguer, de partager une expertise terrain et de guider le développement de l’action d’accompagnement des publics de FACE.
FACE a forgé une expertise forte autour de 3 axes d’intervention : éducation et orientation choisie, emploi et insertion professionnelle, médiation et accès aux droits. Quels sont les défis majeurs sur ces volets ?
La valeur ajoutée de FACE c’est sa capacité à accompagner les publics les plus fragiles : personnes très éloignées de l’emploi, personnes réfugiées, femmes victimes de violences, seniors, personnes placées sous main de justice, jeunes décrocheurs, etc.
Pour toucher ces personnes souvent isolées, souvent très loin des dispositifs classiques d’accompagnement, nous devons toujours innover, trouver des moyens nouveaux de développer et mettre en musique une stratégie innovante autour de la notion d’ « aller-vers ». Cette notion représente la capacité des acteurs sociaux en général et FACE en particulier à créer leur premier contact.
Cela nécessite de réinventer nos méthodes d’ « aller-vers » avec les personnes éloignées des dispositifs, difficiles à identifier et qui ne viennent pas spontanément vers nous. Sur ce sujet, il nous faut penser, expérimenter et déployer de nouveaux outils pour ne laisser personne de côté.
Autre défi : apporter aux personnes une aide personnalisée, sur mesure, qui prenne en compte les situations dans leur globalité. Il s’agit de lever un par un tous les freins à l’emploi en agissant de concert avec les autres acteurs de l’écosystème. Pour garantir ce suivi sur mesure des personnes, dans une logique de parcours continu, il faut adopter une approche décloisonnée. Véritable ensemblier de l’action auprès des publics vulnérables, FACE construit des coalitions d’acteurs pour forger des partenariats d’action sur nos projets, dans l’intérêt des personnes accompagnées. Chez FACE, nous considérons que même les parcours les plus heurtés sont porteurs de capacités. A nous de révéler les compétences et talents cachés, à nous de guider les personnes sur le chemin de leur émancipation.
Au-delà de ces trois axes de spécialité, FACE veut faire de la transition écologique solidaire un axe transversal de son action. Comment cela va-t-il se manifester concrètement ?
Le changement climatique représente une exigence de société, mais également un enjeu social majeur. Parce que les vulnérabilités sociales et environnementales sont malheureusement souvent cumulatives et touchent les publics les plus fragiles. Pour assurer une transition écologique durable, qui ne crée pas de nouvelles formes d’exclusions, qui ne laisse personne sur le bord du chemin, nous plaçons la transition écologique solidaire au cœur de notre conception de l’accompagnement social.
Notre défi est d’intégrer dans l’intégralité des projets portés par FACE les objectifs de développement durable. Notre proximité aux entreprises et notre expertise RSE nous rendent légitimes pour porter ce sujet et convaincre que les programmes à impact environnemental et à impact social doivent être rendus convergents, car les enjeux auxquels ils répondent touchent les mêmes publics prioritaires, à savoir les personnes en situation de vulnérabilité. C’est par un accompagnement adapté des entreprises et des mesures concrètes, comme par exemple le travail sur la maîtrise de la demande en énergie des ménages fragiles, que nous démontrerons qu’un changement de modèle est possible.
la transition écologique solidaire représente de nombreux secteurs d’avenir. Dans notre action en faveur de l’orientation choisie, de la découverte des métiers et de l’accompagnement vers l’emploi, nous voulons que les personnes que nous accompagnons puissent trouver une place dans ces secteurs porteurs d’opportunité et de sens, quel que soit leur niveau de qualification. C’est le gage d’une insertion professionnelle durable et de qualité, dans un monde en transition.
En ce qui concerne l’implantation territoriale de FACE, déjà présente dans près de 60 départements, quelle stratégie envisagez-vous pour déployer votre action à l’ensemble du territoire ?
Parce ce que nous voulons permettre aux publics vulnérables de trouver un interlocuteur FACE où qu’ils se trouvent, nous faisons de notre déploiement territorial un axe essentiel de notre stratégie. Historiquement implantés dans les QPV, Nous voulons notamment renforcer notre présence en ruralité où se jouent de nouvelles formes d’exclusions auxquelles nous nous devons de proposer des réponses.
Pour parvenir à mailler l’ensemble du territoire, nous agissons à deux niveaux. A l’échelle nationale, nos resserrons nos liens avec d’autres acteurs publics, institutionnels ou associatifs qui agissent auprès des publics vulnérables ou auprès des entreprises. En établissant des partenariats de confiance avec les acteurs prêts à s’engager avec nous, nous identifions les possibilités de synergies et de coopérations. Ce travail nous permet aussi de cartographier les besoins dans les territoires pour y apporter une réponse adaptée.
Au niveau local, nos clubs FACE et fondations abritées sont notre plus grande force et nos meilleurs ambassadeurs. Nous travaillons avec eux pour leur permettre lorsque cela est possible d’élargir le périmètre de leurs actions. C’est en articulant ces deux niveaux que nous couvrirons l’ensemble du territoire. Et je dois dire que nous sommes bien partis ! Nous allons probablement créer deux nouvelles structures d’ici la rentrée.
La Fondation FACE occupe également le rôle de fondation abritante et a d’ailleurs vu son nombre de fondations abritées croître de plus de 15% au cours de la dernière année. Comment expliquez-vous ce succès ?
Le pré-requis de cette croissance a été la restructuration et l’enrichissement de l’accompagnement proposé par FACE aux fondations abritées pour répondre aux besoins réels des fondateurs.
Notre action s’est structurée en 3 grands axes. Tout d’abord la sécurité, de manière à offrir un cadre de fonctionnement totalement sécurisé juridiquement pour les fondations que nous abritons. Ensuite la transparence de gestion: elle est indispensable pour créer une relation de confiance. Enfin la liberté : nous permettons aux fondateurs d’agir pour l’inclusion de manière agile et fluide en insistant sur la mutualisation des outils et des expertises. En tant que fondation abritante, notre rôle est bien entendu d’assurer la conformité des activités des fondations sous égide de FACE, mais aussi, selon nous, de leur permettre une rapidité d’action correspondant à leurs enjeux et l’intégration à un écosystème dynamique et porteur de synergies. Je me félicite à ce titre des belles collaborations qui ont déjà vu le jour et sont en cours de déploiement entre les fondations abritées et les clubs FACE : c’est là la force de notre réseau de 85 structures agrégeant 6000 entreprises engagées, partageant des valeurs d’engagement territorial et de solidarité.
A ce jour, la plupart des projets de création de fondations abritées qui voient le jour sous notre égide sont venus à nous sur les recommandations de notre écosystème. Nos fondations abritées et nos clubs sont nos premiers ambassadeurs et relais de développement. C’est la force de la communauté FACE : l’envie de travailler ensemble pour l’inclusion.
Le renouvellement de nos orientations stratégiques y est aussi pour beaucoup : les acteurs de la philanthropie se retrouvent dans nos champs d’actions historiques (exemple de la création des fondations abritées par des écoles) mais aussi dans notre volonté d’agir pour une transition écologique et solidaire (exemple des fondations d’entreprises). Il en va de même de notre mode d’action : le partenariat public-privé, ancré dans les territoires, est aux fondements des actions de FACE qui a une grande expertise dans le domaine (exemple des fondations territoriales). Nous pouvons encore aller plus loin !
D’un point de vue plus personnel, pouvez-vous nous en dire davantage sur votre ambition en tant que Délégué général et vos principaux défis à venir ?
L’intérêt général est au coeur de mon engagement professionnel, tant dans la sphère publique qu’aujourd’hui chez FACE, dans un écosystème pluriel. La capacité du secteur associatif à proposer des accompagnements sur mesure, adaptés aux réalités vécues dans les territoires, est une force d’impulsion formidable que nous nous devons de faire fructifier au sein du réseau FACE. C’est en agissant en réseau et en jouant pleinement le rôle d’ensemblier de l’action solidaire dans les territoires, avec nos expertises complémentaires d’autres acteurs, que nous parviendrons à agir encore plus efficacement pour transformer les parcours de vie des personnes que nous accompagnons. Nous avons l’immense chance de pouvoir compter sur des milliers de dirigeantes et dirigeants, salarié.es et mécènes de compétences pleinement engagés à nos côtés sur la base de valeurs fortes; sachons planter des graines d’espérance sur ce terreau fertile!
